Leonidov

Leonidov finally rediscovered
Jean-Louis Cohen
Leonidov finalmente riscoperto

«casabella» n 787, March/Marzo 2010


In the issue no. 787, March 2010, of «casabella», now on newsstands, there is an essay by Jean-Louis Cohen, Leonidov finally rediscovered. This is a long review of the book by Alessandro De Magistris and Irina Korob’ina, Ivan Leonidov, 1902-1959, Electa, Milan 2009. Since Leonidov was one of the greatest architects of the 20th century, the most original among the designers who illustrated the history of Russian architecture starting in the 1920s, and the most influential of the exponents of the Soviet avant-garde, as this book demonstrates, offering a remarkable quantity of previously unavailable documents, drawings and projects, we feel it is worthwhile to make what Cohen has written available to the largest possible number of readers. By doing this, we hope to contribute not only to a new rediscovery of the figure of Leonidov, but also to offer our readers (who in the book will also find texts published by Leonidov and those on his work by Russian authors of the day) an opportunity to consider the work of one of the architects most fully capable of grasping and living the artistic and intellectual tensions that so deeply marked the culture of the 20th century.

Leonidov enfin mis à jour
Il peut sembler quelque peu excessif, et presque paradoxal de consacrer un volume de trois cent vingt pages grand format à un architecte dont l’œuvre bâtie est presque inexistante, et dont les dessins conservés ne se compte guère que par dizaines, bref à une figure dont la vie publique n’a pas apparemment dépassé une décennie. Pourtant, l’ouvrage publié par Electaarchitettura sur l’œuvre d’Ivan Il’ič Leonidov comble une lacune béante dans l’historiographie de l’architecture du 20e siècle.
Né pratiquement avec le siècle, en 1902, et mort en 1959, alors que le régime de Nikita Khruščev commençait à peine à réhabiliter, avec des millions de victimes de la répression stalinienne, la poignée d’architectes «maudits» au rang desquels il figurait, Leonidov n’a pas cessé de fasciner les historiens et les architectes attachés à redécouvrir l’épopée de l’avant-garde russe. Kenneth Frampton a pu ainsi écrire à bon droit en 1981: «there is probably no figure of the Modern movement who haunts the stage of the twentieth century with such persistence as Ivan Leonidov». Il préfaçait alors la traduction américaine de la première monographie publiée à Moscou par Khan Magomedov et P.A. Aleksandrov dix ans plus tôt. C’est sans doute cependant à Anatole Kopp qu’il revient d’avoir été le premier auteur occidental à rendre à Léonidov une place éminente dans l’histoire du constructivisme, en lui consacrant de belles pages dans Ville et révolution dès 1967. La démarche de cette figure unique fut présentée par les textes de Kopp, mais aussi par ceux publiés en Italie par Vittorio de Feo et Vieri Quilici, puis par l’exposition Art and Revolution, organisée par Oleg Švidkovskij à la Hayward Gallery de Londres en 1971. Un des visiteurs les plus attentifs de cette exposition fut le jeune Rem Koolhaas, alors en transition entre sa première identité de journaliste/scénariste et la deuxième, celle d’un architecte iconoclaste pour laquelle Léonidov constituait sans doute un modèle de rôle. C’est en tout cas à lui que Koolhaas consacra son premier long article sur l’architecture, analysant dans les pages d’«Oppositions» en 1974 le projet du Narkomtjažprom, élaboré en 1934. A peine huit ans plus tard, il lui rendra un hommage évident dans les planches de sa contribution au concours pour le parc de la Villette à Paris.
Un seuil dans la connaissance de l’œuvre de Leonidov fut franchi en 1988, avec la publication à Londres d’un volume d’«œuvres [presque] complètes», compilé par Andrej Gozak, en collaboration avec le fils de l’architecte, Andrej Ivanovič Leonidov. Au corpus très limité des publications des années 1920 et 1930 et à la poignée de dessins présentés dans des expositions comme Paris-Moscou, en 1989, venait enfin s’ajouter la découverte des carnets de croquis du début des années 1930 et surtout des dessins et peintures à l’encaustique sur bois rendant compte des projets élaborés dans les trois dernières décennies de la vie de Leonidov. Plus récemment, Maurizio Meriggi a rassemblé en 2007 dans Una città possibile. Architetture di Ivan Leonidov 1926-1934 une série d’études très précises des projets dans leur environnement urbain, matérialisée par un ensemble de maquettes et d’images virtuelles instructives, mais quelque peu inadéquates à restituer la tectonique des projets originaux.
En dépit de ces deux vagues d’explorations, Leonidov est resté une figure énigmatique, idéalisé autant qu’il avait été vilipendé un temps. Il est vrai que rares sont les architectes russes contemporains à avoir concentré une haine aussi intense. Celle-ci est exhalée dans la presse architecturale à partir de 1930, au point que son nom propre est substantivé par son collègue jaloux Arkadij Mordvinov en «Leonidovščina» [Leonidovismo ou Leonidoveria] pour caractériser une tendance «étrangère» à la culture soviétique. Et la campagne se prolonge jusqu’en 1952, lorsque Mikhajl Capenko reproduit le Narkomtjažprom, au côté de la maison de Konstantin Mel’nikov, pour en faire les deux icônes de l’architecture que ses très staliniens Principes réalistes de l’architecture soviétique réprouvent.
Pendant ces deux décennies difficiles, la survie personnelle de Leonidov peut surprendre, si l’on pense aux milliers de victimes que la terreur stalinienne fit parmi les militants, les militaires, les philosophes, les poètes et les ingénieurs, pour ne pas parler des paysans d’Ukraine et des peuples entiers déportés vers la Sibérie. Il semble bien qu’en dépit de la violence verbale des polémiques, les architectes n’aient pas pratiqué la dénonciation en masse, et se soient mutuellement préservés. Certes, le théoricien du désurbanisme Mihajl Okhitovič fut fusillé, l’architecte Vjačeslav Oltarževskij connut le Gulag, et l’historien de l’art Lazar Rempel’ fut exilé en Ouzbékistan. Leurs «crimes» étaient sans doute plus «graves» : le premier était proche de l’opposition trotskyste, le deuxième travaillait pour le commissaire du peuple à l’agriculture Vladimir Mil’jutin, exécuté en 1937, et le troisième avait publié un livre naïvement laudateur sur l’architecture de l’Italie fasciste… Dans le cas de Leonidov, l’affection paternelle d’Aleksandr Vesnin, maintes fois rappelée dans le livre, et l’admiration que lui vouait le chef de file du palladianisme rouge Ivan Žol’tovskij lui permirent de traverser les années les plus sombres du stalinisme en poursuivant une pratique d’artiste et d’architecte d’intérieur, jusqu’à ce qu’il puisse in extremis retrouver, mais bien tard, un champ totalement ouvert pour l’expression de ses idées.
Exactement un demi-siècle après sa mort, le livre élaboré sous la conduite d’Alessandro de Magistris et Irina Korob’ina marque un seuil fondamental dans la documentation et la compréhension historique de sa biographie et de son œuvre dessiné aussi bien que bâti. Il ne s’agit pas là d’une monographie à une seule ou à deux voix, mais bien d’une approche collective, à la fois italo-russe et intergénérationnelle. Elle assemble en effet le témoignage du contemporain de l’architecte que fut l’architecte Kirill Afanas’ev, à l’initiative duquel les premières anthologies de textes sur l’avant-garde furent préparées à Moscou dès les années 1960, et les analyses des historiens qui lui rendirent alors les premiers hommages dans l’URSS de Khruščev et de Brežnev : Selim Khan-Magomedov et Vigdarija Khazanova. Le premier sort un peu de ses analyses désormais bien connues de l’architecture de l’avant-garde pour proposer des interprétations utiles sur les projets post-constructivistes de Leonidov, tandis que le texte de la seconde, malheureusement disparue depuis 2004, est la traduction de son analyse classique du programme des clubs ouvriers. À côté de ces deux vétérans, de Magistris et Korob’ina, directrice du très actif Centre d’architecture contemporaine de Moscou, ont recueilli les contributions de plusieurs jeunes historiens, qui témoignent de la vitalité de la recherche dans la Russie d’aujourd’hui. Ekaterina Barabanova attire l’attention sur les aventures méconnues de Leonidov dans le Grand Nord, alors que Sergej Nikitin et Sergej Khačaturov analysent ses intérieurs réalisés. L’éminente spécialiste de l’avant-garde picturale qu’est Nicoletta Misler apporte enfin des éclairages indispensables à la compréhension de la passion qu’éprouvait Leonidov pour le récit utopique de Tommaso Campanella La Città del Sole, qui n’a cessé de le hanter pendant vingt ans.
Les matériaux visuels rassemblés complètent ceux contenus dans la monographie de Gozak, et constitueraient le corpus définitif des dessins et des peintures de Leonidov, s’ils étaient accompagnés d’indications systématiques de leurs dimensions et des média utilisés. A ce noyau visuel du livre s’ajoute l’excellente reproduction des dizaines de pages consacrées par la revue «Sovremennaja Arkhitektura» aux projets de Leonidov, qui constituèrent pratiquement jusqu’aux années 1970 l’unique source disponible pour leur dissémination et leur étude.
Précédant un ensemble de fiches consacrées à chacun des trente principaux projets élaborés par Leonidov entre 1926 – son premier travail aux Vkhutemas – et 1957 – sa proposition d’une exposition universelle à Moscou, et la traduction des principaux articles qui lui furent consacrés pendant cette période dans la presse soviétique, ces analyses dessinent un nouveau visage de l’architecte. D’authentiques découvertes sont effectuées dans ce traitement systématique des matériaux les plus ténus trouvés dans les archives, dans la presse et sur le terrain. La première est celle du projet d’aménagement urbain élaboré en 1931 pour la bourgade sibérienne d’Igarka, centre d’exploitation forestière fondé en 1929 sur l’Ienessei. Mandaté par l’administration en charge de la voie navigable du nord, Leonidov conçut un plan urbain linéaire, qui prolonge les recherches entreprises l’année précédente pour sa contribution au concours de Magnitogorsk. Si rien ne permet de constater un passage à l’acte dans l’application de son plan au territoire concret, les bâtiment illustrés dans l’article de Barabanova témoignent en tout cas d’une étonnante rencontre entre les thèmes modernes et la culture constructive de l’izba, écho polaire des pavillons de l’Exposition agricole tenue à Moscou en 1933.
L’autre découverte marquante est celle des intérieurs réalisés par Leonidov dans la seconde moitié des années 1930: la maison des Pionniers – ces cousins soviétiques des Balille mussoliniens – à Moscou, et celles de Tver’, ville située à 170 kilomètres de la capitale et alors connue sous le nom de Kalinin. Dans ces deux bâtiments, Leonidov travailla à la décoration murale et, surtout dans le cas de Moscou, au mobilier. Il conçut pour le bâtiment de Kalinin, dont le volume est des plus banals, une architecture intérieure de colonnes évasées que Nikitin et Khačaturov rapprochent avec pertinence de celles de la station de métro Dvorec Sovetov d’Aleksandr Duškin à Moscou. Dans les deux cas, Leonidov met en scène une série de thèmes décoratifs utilisant les végétaux et les cristaux. Sa capacité d’observation des formes naturelles permettrait de construire un parallèle avec les travaux du jeune Charles-Édouard Jeanneret, tandis que sont intérêt pour les formes marines trahit sa bonne connaissance des recueils de planches du naturaliste allemand Ernst Haeckel, qui circulent autant en Russie qu’en Allemagne et dans le reste de l’Europe.
Dans le même temps, l’excellente analyse de Nicoletta Misler attire aussi l’attention sur la capacité graphique et picturale de Leonidov à former des représentations saisissantes, comme cette interprétation du plan de Moscou qu’il imagina pour le pavillon soviétique à Bruxelles, dont la forte pâte évoque l’expressionnisme abstrait de l’école de New York. Plus fondamentalement, rebondissant sur le propos de Khan-Magomedov, elle rapproche de façon convaincante le langage formel de Leonidov de ceux de Kazimir Malevič, Naum Gabo et El Lisickij, auteur au demeurant d’un des textes les plus perspicaces jamais consacrés au projet pour le Narkomtjažprom.
La genèse du seul ouvrage réalisé en plein air par Leonidov, l’escalier et l’amphithéâtre de plein-air du sanatorium du Narkomtjažprom à Kislovodsk, dernier grand bâtiment conçu par Moisej Ginzburg, est aussi éclairée par le texte de Khan-Magomedov. Cet ensemble est bien connu désormais, grâce aux travaux de l’historien américain Danilo Udovicki, et je renvoie à son article publié dans le «Journal of the Society of Architectural Historians» en 2009. Sans méconnaitre les difficultés logistiques, je regrette d’autant plus l’absence de photographies contemporaines de l’ensemble, et je forme l’espoir que l’excellent Richard Pare puisse poursuivre le chantier entrepris à la recherche de l’«avant-garde perdue» par un reportage dans le Caucase du nord lui permettant de rendre compte des vestiges, apparemment menacés aujourd’hui, de cet ouvrage mythique.
Il reste aussi encore des projets mystérieux, dans lesquels la contribution de Leonidov reste à mesurer, comme ceux auxquels il collabore dans les années 1940. Leur étude demanderait un très important dépouillement des fonds des ateliers de projets conservés dans les archives de la ville de Moscou. Une traduction de l’article consacrée en 1941 à la maison des Pionniers de Kalinin par Mikhajl Il’jn aurait aussi pu être incluse dans l’anthologie, s’il est vrai qu’il s’agit là du dernier texte consacré à son œuvre publié en URSS avant sa «réhabilitation» dans les années 1960… Composante souvent méconnue de l’activité de Leonidov, sa recherche entreprise en vue d’un doctorat au début des années 1930 et son enseignement au Vkhutein restent encore à étudier : un repérage rigoureux des projets de ses étudiants permettrait de cerner mieux ses positions de projet pendant les ultimes années de l’épisode constructiviste.
En définitive, l’image que constitue touche après touche l’ouvrage n’est pas celle d’un rêveur «mécanomane», pour reprendre un épithète suggéré alors par Lisickij, mais bien celle d’un concepteur virtuose, dont le sens technique ne fait pas de doute, mais dont le sens des proportions était tel qu’il parvint à séduire l’austère Žol’tovskij, comme le rappelle Afanas’ev dans ses passionnantes réminiscences. Extraordinairement clair dans ses formulations architecturales, si Leonidov prend rang parmi les grands inventeurs de l’architecture du 20e siècle, c’est moins par certaines des formes platoniciennes qu’il utilisa dans ses projets, comme la sphère ou la pyramide, que par sa capacité à formuler des problèmes architecturaux. Je pense à la clarté avec laquelle il élabore le type de l’immeuble de bureaux parallélépipédique, lorsqu’il répond en 1928 au concours pour le Centrosojuz, et au travail d’une grande actualité sur le groupement des gratte-ciel mené lors du concours pour le Narkomtjažprom à Moscou. Je n’irais pas pour autant jusqu’à voir en lui le précurseur des architectures de verre du début du 21e siècle, comme le suggère Korob’ina…
La publication de ce très utile volume est d’autant plus opportune que les restes pourtant ténus de l’œuvre bâtie et dessinée de Leonidov font face à un faisceau de menaces. Côté édifices, ne partie d’intérieur de la maison des Pionniers de Tver’ a été détruite en 2008. Côté dessins, le décès subit au début 2010 de David Sarkisian, directeur du musée d’Architecture de Moscou, fait planer une incertitude sur le destin de ses collections, alors que les mésaventures financières de la Fondation pour l’Avant-Garde Russe du sénateur Sergej Gordeev, qui a soutenu le livre d’Electa et, surtout, acquis le fonds de dessins de la famille Leonidov, ont anéanti ses ambitions de créer un lieu d’exposition où ils auraient été présentés au public et rend leur destination mystérieuse. Formons donc des vœux pour que ce beau livre ne devienne pas le seul vestige de l’œuvre de Leonidov, alors que ses rares constructions s’évanouissent.
Jean-Louis Cohen


Nel numero 787 del marzo 2010 di «casabella», in questi giorni in edicola, compare il saggio di Jean-Lousi Cohen, Leonidov finalmente riscoperto. Si tratta di una lunga recensione del libro di Alessandro De Magistris e Irina Korob’ina, Ivan Leonidov, 1902-1959, Electa, Milano 2009. Poiché Leonidov fu uno dei massimi architetti del Novecento, il più originale tra i progettisti che hanno illustrato la storia dell’architettura russa a partire dagli anni Venti e il più influente tra gli esponenti dell’avanguardia sovietica come questo volume dimostra offrendo una notevole quantità di documenti inediti e di disegni e progetti altrettanto sconosciuti, riteniamo opportuno mettere a disposizione del maggior numero possibile di lettori quanto Jean-Louis Cohen ha scritto. Facendolo ci auguriamo di contribuire non soltanto a una nuova riscoperta della figura di Leonidov, ma anche di fornire a quanti ci seguono (che nel libro potranno anche prendere visione dei testi pubblicati da Leonidov e di quelli dedicati alla sua opera dai contemporanei autori russi) l’occasione per meditare sull’opera di uno dei progettisti che più ha saputo cogliere e vivere le tensioni artistiche e intellettuali che hanno attraversato in profondità la cultura del secolo scorso.

Leonidov finalmente riscoperto
Può sembrare persino eccessivo e irragionevole dedicare un volume di 320 pagine di grande formato a un architetto che ha lasciato un corpus di costruzioni praticamente inesistente (e solo alcune decine di disegni) e la cui vita pubblica è durata meno di dieci anni. Tuttavia, il volume pubblicato da Electaarchitettura sull’opera di Ivan Il’ic Leonidov colma una grande lacuna nella storiografia dell’architettura del Novecento. Nato all’inizio del secolo, nel 1902, e morto nel 1959, quando il regime di Nikita Krusciov aveva appena iniziato a riabilitare, insieme a milioni di vittime della repressione stalinista, la manciata di architetti “maledetti” dei quali faceva parte, Leonidov non ha mai smesso di affascinare gli storici e gli architetti interessati a riscoprire l’epopea dell’avanguardia russa. Tanto che nel 1981 Kenneth Frampton ha potuto scrivere a buon diritto nella prefazione alla traduzione americana della prima monografia dedicata all’architetto russo pubblicata a Mosca da S.O. Khan Magomedov e P.A. Aleksandrov dieci anni prima: «forse nessun personaggio del movimento moderno ha tenuto la scena del Novecento con tanta continuità come Ivan Leonidov». Probabilmente però il merito di essere stato il primo autore occidentale a riconoscere a Leonidov un ruolo importante nella storia del Costruttivismo va ad Anatole Kopp che ha dedicato all’architetto russo alcune belle pagine del suo libro Ville et révolution del 1967. Ma il percorso compiuto da questa figura straordinaria oltre che da Kopp è stato presentato anche dai libri pubblicati in Italia da Vittorio De Feo e Vieri Quilici e poi dalla mostra Art and Revolution, organizzata da Oleg Švidkovskij nel 1971 presso la Hayward Gallery di Londra. Tra i visitatori più attenti di questa mostra vi fu il giovane Rem Koolhaas. Koolhaas all’epoca era in procinto di liberarsi della sua prima identità, quella di giornalista/sceneggiatore, per assumerne una seconda, quella di architetto iconoclasta, per la quale Leonidov ha rappresentato un modello. Non a caso Koolhaas ha dedicato il suo primo lungo articolo sull’architettura proprio a Leonidov, analizzandone, nel 1974 sulle pagine della rivista «Oppositions», il progetto per la sede del Narkomtjažprom, il Commissariato popolare dell’industria pesante sulla piazza Rossa, elaborato nel 1934, mentre otto anni dopo con il suo progetto presentato al concorso per il Parc de la Villette di Parigi rese un evidente omaggio all’architetto russo. La conoscenza dell’opera di Leonidov subì una svolta nel 1988 con la pubblicazione a Londra di un volume di “opere [quasi] complete” compilato a cura di Andrej Gozak in collaborazione con il figlio dell’architetto, Andrej Ivanovič Leonidov. A quanto documentato dalle poche pubblicazioni degli anni Venti e Trenta e alla conoscenza dei non molti disegni presentati in alcune mostre (la parigina Paris-Moscou del 1979, per esempio), si aggiungeva così la scoperta dei quaderni di schizzi dell’inizio degli anni Trenta e soprattutto dei disegni e delle pitture a encausto su legno, testimonianze dei progetti elaborati da Leonidov negli ultimi trent’anni della sua vita. Infine, nel 2007, nel volume Una città possibile. Architetture di Ivan Leonidov, 1926-1934 Maurizio Meriggi ha raccolto una serie di studi molto precisi dei progetti inseriti nel loro contesto urbano, corredandoli di modelli, plastici e immagini virtuali istruttivi ma inadeguati a renderne la struttura originale. Nonostante queste pubblicazioni, la figura di Leonidov è rimasta però sino ad ora enigmatica, idealizzata quanto vilipesa in passato, dato che pochi sono stati gli architetti russi contemporanei ad aver suscitato un’avversione altrettanto intensa. A partire dal 1930 questa ostilità si diffuse nella stampa specializzata, al punto che il rivale di Leonidov, Arkadij Mordvinov, ne storpiò il nome in “Leonidovščina” [leonidovismo o leonidovità] per coniare un “ismo” da lui identifi cato con una tendenza che riteneva “straniera” alla cultura sovietica. Questa campagna ostile proseguì fino al 1952, quando Mikhajl Capenko riprodusse il progetto per il Narkomtjažprom accanto alla casa di Konstantin Mel’nikov, per indicare due esempi iconici dell’architettura da rigettare sulla base dei suoi Principi realisti dell’architettura sovietica di stampo inequivocabilmente stalinista. Tenendo conto anche di questo contesto, il fatto che Leonidov sia sopravissuto agli anni così difficili del terrore staliniano può sorprendere, tanto più se si pensa alle migliaia di militanti, militari, filosofi , poeti e ingegneri che ne rimasero vittime, per non parlare dei contadini ucraini e delle intere popolazioni deportate in Siberia. Sembra però che, nonostante la violenza verbale delle polemiche che li divisero, gli architetti non abbiano praticato in quegli anni bui la denuncia di massa e anzi si siano reciprocamente protetti, anche se questo non risparmiò al teorico del “disurbanismo” Mihajl Okhitovič la fucilazione, all’architetto Vjačeslav Oltarževskij l’internamento in un gulag e allo storico dell’arte Lazar Rempel’ l’esilio in Uzbekistan. I loro “crimini” erano però più gravi: il primo fiancheggiava l’opposizione trotskista, il secondo lavorava per il commissario del popolo per l’agricoltura Vladimir Mil’jutin giustiziato nel 1937 e il terzo aveva pubblicato un libro in cui ingenuamente lodava l’architettura dell’Italia fascista… Nel caso di Leonidov, l’affetto paterno di Aleksandr Vesnin, più volte citato nel libro che ora presentiamo, e l’ammirazione del capofila del “palladianesimo” russo Ivan Žol’tovskij gli permisero di attraversare gli anni più cupi dello stalinismo continuando a lavorare come artista e architetto di interni, fino a che, seppure molto avanti nel corso della vita, ebbe nuovamente modo di esprimersi liberamente. Esattamente mezzo secolo dopo la sua morte, il volume curato da Alessandro De Magistris e Irina Korob’ina segna una tappa fondamentale per l’acquisizione della documentazione relativa all’opera di Leonidov e la comprensione storica della sua biografia. Quella di cui ora disponiamo non è una monografia a una o a due voci, ma un libro frutto di un lavoro collettivo italo-russo e intergenerazionale al tempo stesso. Raccoglie infatti la testimonianza dell’architetto Kirill Afanas’ev che, contemporaneo di Leonidov,  a partire dagli anni Sessanta prese l’iniziativa di raccogliere a Mosca le prime antologie di testi dedicati all’avanguardia, insieme ai contributi degli storici Selim e Vigdarija Khazanova che, all’epoca di Krusciov e di Brežnev, resero a Leonidov i primi omaggi apparsi in Unione Sovietica. Se Khan-Magomedov in questa occasione si discosta lievemente dalle sue ben note analisi dell’architettura d’avanguardia per proporre interpretazioni utili dei progetti postcostruttivisti di Leonidov, il contributo della Khazanova, purtroppo scomparsa nel 2004, è invece la traduzione della sua magistrale analisi del programma che portò, dalla metà degli anni Venti, alla costruzione dei club operai. Oltre a quelli di questi due veterani, De Magistris e Korob’ina, direttrice dell’attivo Centro di architettura contemporanea di Mosca, hanno raccolto i contributi di alcuni giovani storici che testimoniano la vitalità dell’attività di ricerca che si svolge nella Russia di oggi. Ekaterina Barabanova focalizza la sua attenzione sulle avventure meno note di Leonidov nel Grande Nord, mentre Sergej Nikitin e Sergej Khačaturov analizzano gli interni realizzati dall’architetto. Infine Nicoletta Misler, eminente specialista nel campo delle avanguardie pittoriche, aggiunge chiarimenti indispensabili alla comprensione della passione, ininterrottamente coltivata da Leonidov per più di vent’anni, per l’utopica costruzione che Tommaso Campanella (1568–1639) affidò alle pagine de La Città del Sole. L’apparato illustrativo del volume completa la documentazione contenuta nella monografia di Go
zak e se le singole tavole fossero accompagnate dalle indicazioni sistematiche delle dimensioni degli originali e delle tecniche utilizzate, nel loro insieme costituirebbero il corpus definitivo dei disegni e dei dipinti di Leonidov. Questo apparato è completato a livello visivo dalle eccellenti riproduzioni delle decine di pagine dedicate ai progetti di Leonidov dalla rivista «Sovremennaja Arkhitektura», che fino agli anni Settanta ha costituito praticamente l’unica fonte disponibile per la conoscenza e lo studio della sua opera. Queste analisi, che precedono le schede dedicate a ciascuno dei trenta principali progetti elaborati da Leonidov tra il 1926, anno del primo lavoro al Vchutemas, e il 1957, quando presentò il suo progetto per una esposizione universale a Mosca, oltre alla traduzione dei principali articoli a lui dedicati nel frattempo, delineano un nuovo volto dell’architetto. Inoltre, l’analisi sistematica dei materiali più delicati reperiti negli archivi, sugli organi di stampa e sul posto ha consentito agli autori del volume di giungere ad alcune autentiche scoperte. La prima riguarda il progetto di riassetto urbano elaborato da Leonidov nel 1931 per il villaggio siberiano di Igarka, un centro fondato nel 1929 sul fiume Jenissei per lo sfruttamento delle risorse forestali. Incaricato dall’amministrazione responsabile della via navigabile del nord, Leonidov concepì un piano urbanistico lineare, proseguendo così le ricerche intraprese l’anno prima con l’elaborazione del progetto presentato al concorso per Magnitogorsk. Anche se non vi sono evidenze che consentano di affermare che il progetto trovò concreta attuazione, gli edifici presentati nelle illustrazioni che accompagnano il saggio della Barabanova sono testimonianze di un sorprendente incontro qui verificatosi tra soluzioni edilizie moderne e la cultura costruttiva dell’izba, un corrispettivo polare dei padiglioni dell’Esposizione agricola svoltasi a Mosca nel 1933. L’altra scoperta di rilievo è quella degli interni realizzati da Leonidov nella seconda metà degli anni Trenta per la Casa dei Pionieri (i “cugini” sovietici dei Balilla all’epoca di Mussolini) a Mosca e per quella di Tver’, una cittadina situata a 170 chilometri dalla capitale e allora nota col nome di Kalinin. Leonidov ne progettò le decorazioni murali e, soprattutto nella casa di Mosca, il mobilio. Per l’edificio di Kalinin, caratterizzato da volumi piuttosto ordinari, disegnò un’architettura interna composta di colonne svasate, che Nikitin e Khačaturov accostano giustamente a quelle della stazione della metro di Mosca Dvorec Sovetov progettata da Aleksej Nikolaevič Duškin. In entrambi i casi Leonidov mise in scena una serie di apparati decorativi ispirati a vegetali e a cristalli. Questi apparati dimostrano come egli possedesse non comuni doti di osservatore delle forme naturali, analoghe, verrebbe da pensare, a quelle di cui sono espressione i lavori del giovane Charles-Édouard Jeanneret, mentre l’interesse per le forme marine che vi si coglie tradisce una conoscenza approfondita delle raccolte di tavole del naturalista tedesco Ernst Haeckel, che circolavano all’epoca in Russia, in Germania e nel resto d’Europa. Infine, l’eccellente saggio di Nicoletta Misler mette in risalto l’abilità grafica e pittorica con cui Leonidov riuscì a creare illustrazioni affascinanti, come dimostra anche la “composizione pittorica sul tema della pianta di Mosca”, il pannello decorativo che egli immaginò nel 1957–58 per il Padiglione sovietico all’Esposizione di Bruxelles, il cui impasto denso evoca l’espressionismo astratto della scuola di New York. Inoltre, riallacciandosi all’idea di Khan-Magomedov, Misler accosta in maniera persuasiva il linguaggio formale di Leonidov a quello di Kazimir Malevič, di Naum Gabo e di El Lissitzky, autore di uno dei testi tutto sommato più acuti mai dedicati al progetto per il Narkomtjažprom. La genesi dell’unica opera realizzata (“in esterno”, bisogna precisare) da Leonidov, la scalinata e l’anfiteatro all’aperto del sanatorio di Narkomtjažprom a Kislovodsk, ultimo grandioso edificio ideato da Moisej Ginzburg, è anch’essa descritta nel testo di Khan-Magomedov. Questo insieme di opere è ora ben noto grazie ai lavori dello storico americano Danilo Udovicki e quindi non rimane che rimandare al suo articolo pubblicato nel 2009 sul «Journal of the Society of Architectural Historians». Ma a questo proposito, senza voler negare le difficoltà logistiche che realizzarle avrebbe comportato, rimane comunque il rammarico per l’assenza di fotografie contemporanee dell’insieme (anche per questa ragione ritengo opportuno esprimere qui l’augurio che l’ottimo Richard Pare [sul suo volume, The Lost Vanguard, si veda «casabella» n 764, marzo 2008] possa proseguire la sua opera di ricerca dell’“avanguardia perduta”, con un reportage fotografico nel Caucaso settentrionale che gli consenta di rendere conto delle vestigia, oggi a rischio, di questa opera mitica) . Ciò detto, rimangono ancora alcuni progetti avvolti nel mistero, in cui il contributo di Leonidov è da quantificare, come quelli ai quali collaborò negli anni Quaranta. Per conoscerli bisognerebbe compiere esami minuziosi dei fondi degli studi di progettazione conservati negli archivi della città di Mosca. Anche da questo punto di vista sarebbe stato opportuno includere nell’antologia che completa il nostro volume una traduzione dell’articolo scritto nel 1941 da Mikhajl Il’jn sulla Casa dei Pionieri di Kalinin, tanto più se è vero che si tratta dell’ultimo testo dedicato all’opera di Leonidov pubblicato in URSS prima della “riabilitazione” degli anni Sessanta. Inoltre aspetti spesso ignorati dell’attività di Leonidov, quali la ricerca da lui intrapresa in vista di un dottorato all’inizio degli anni Trenta e l’insegnamento svolto al Vchutemas rimangono ancora da studiare e una localizzazione rigorosa dei progetti dei suoi studenti permetterebbe di comprendere meglio quali fossero le sue posizioni negli ultimi anni dell’esperienza costruttivista. In definitiva l’immagine di Leonidov che il libro ci restituisce attraverso l’accostamento di vari tasselli non è quella di un sognatore “meccanomane”, per citare un epiteto suggerito all’epoca da El Lissitzky, quanto piuttosto quella di un creatore virtuoso la cui sensibilità tecnica è fuori discussione ma il cui senso delle proporzioni era tale da riuscire a sedurre persino l’austero Žol’tovskij, come ricorda Afanas’ev nelle sue appassionanti rievocazioni. Le straordinariamente limpide invenzioni architettoniche di Leonidov lo accomunano ai grandi creatori dell’architettura del Novecento, ma ciò non è dovuto principalmente all’uso nei progetti delle forme platoniche quali la sfera o la piramide, quanto alla sua capacità di porsi e aff rontare specifici problemi architettonici –e mi riferisco così alla chiarezza con la quale elaborò il prototipo dell’immobile per uffici a parallelepipedo quando, nel 1928, partecipò al concorso per il Centrosojuz o al lavoro di straordinaria attualità che compì sull’aggregazione degli edifici alti in occasione del concorso per il Narkomtjažprom di Mosca (1934), ma così dicendo non mi sento di affermare, come invece suggerisce Korob’ina, che Leonidov è stato il precursore delle architetture di vetro dell’inizio del nostro secolo. La pubblicazione di questo utile volume è stata ancor più opportuna se si tiene conto del fatto che quanto rimane dell’opera costruita e disegnata di Leonidov è minacciato da una serie di pericoli. Per quanto riguarda gli edifici, una parte dell’interno della Casa dei Pionieri di Tver’ è stata distrutta nel 2008. Riguardo ai disegni, la morte avvenuta all’inizio del 2010 di David Sarkisian, direttore del Museo di architettura di Mosca, fa piombare nell’incertezza il destino delle sue collezioni. Inoltre le recenti disavventure finanziarie della Fondazione per l’avanguardia russa del senatore Sergej Gordeev, che ha sostenuto la pubblicazione de
l volume edito da Electa, e soprattutto ha acquisito il fondo dei disegni della famiglia Leonidov, hanno vanificato il suo sogno di creare un luogo per esporli e presentarli al pubblico, gettando un velo di mistero sulla loro destinazione. Ci auguriamo quindi che questo bel libro non sia destinato a rimanere l’unico ricordo dell’opera di Leonidov mentre le sue rare costruzioni vengono distrutte.
Jean-Louis Cohen